Les signes inquiétants de la spéculation immobilière à Créteil
Au sud du quartier de
l’Échat, à 500 m de la gare et à la sortie de la départementale
D1, l’Îlot Jacquard représente une enveloppe foncière de 13 200
m². Grand Paris Sud Est Avenir est d’ores et déjà propriétaire
de plus de la moitié du foncier et veut y développer, dans le cadre
de l’arrivée de la nouvelle de la ligne 15 Paris Sud, jusqu’à 40
000 m² de bureaux, activités commerciales, résidences et hôtels.
Lors des assises de la Ville de
Créteil menée en grande pompe par la Mairie de Créteil au mois de
juin 2019, quatre projets ont été présentés pour l’Îlot
Jacquard du quartier de l’Échat.
Trois
projets présentent des tours de grande hauteur aux dénominations
plus poétiques les unes que les autres : « tour signal »,
«tour tremplin » ou même, pourquoi pas, «l’arbre de vie » !
Pour ce dernier, une phrase du texte de la présentation est à
mentionner : « La
torsion de la tour, qui se fond dans le paysage, rappelle le
mouvement du sport. »
Les habitants des quartiers alentours apprécieront … Derrière
ces appellations, c’est en fait des projets de gratte-ciel de bureaux
que l’on veut construire à Créteil !
Ces projet révèlent
la nature spéculative des investissements qui accompagnent le projet
du métro du Grand Paris. Chaque gare est le prétexte de vaste
restructuration urbaine dans un rayon de 800 mètres. Les projets
immobiliers sont avant tout des placements financiers indépendants
des besoins des habitant·e·s. Mais cette pression immobilière fait
aussi tâche d’huile dans tous les quartiers de Créteil. Des
mouvements de capitaux financiers vont engendrer des processus
d’urbanisation incontrôlable au détriment des cristoliennes et
cristoliens : hausse des loyers, exclusion des plus modestes
d’entre nous, augmentation du foncier et de l’immobilier, projets
inutiles …
Ainsi,
ces phénomènes menacent directement le patrimoine des logements
sociaux de la ville qui représentent environ 44 % du parc de
logement. Ainsi, l’opération
de rénovation urbaine au Mont-Mesly engage 105 millions d’euros
sur le quartier avec une grande part de financement privé. Sur les
800 logements construits, 40 % seront du logement social. Mais 239
logements sociaux vont être détruits et seul 20 % des locataires
concernés profiteront de la rénovation ! Les autres devront quitter
le quartier, voire la ville … Même bilan négatif pour le quartier
du Petit-Pré Sablières, inclus dans les périmètre des 800 mètres
de la nouvelle gare, qui a perdu plus de la moitié des logements
sociaux avec l’opération de reconstruction du quartier en cours. La
ZAC du Triangle de l’Échat. dont le maître d’ouvrage est la société
du Grand Paris ne comprend, quant à elle, que 30 % de logements
sociaux. C’est une vaste recomposition de la ville de Créteil qui
est à l’œuvre avec toutes les chances d’aboutir à une
aggravation des inégalités sociales et territoriales.
Le
gouvernement encourage d’ailleurs la financiarisation des logements
sociaux après avoir fragilisé leur financement propre en demandant
aux bailleurs sociaux de compenser la baisse des APL (1,5 milliards
d’euros par an pris dans les caisses des HLM) alors qu’aucun effort
n’a été demandé aux bailleurs privés. Il y a un véritable
processus de marchandisation du logement social qui sera d’autant
plus fort sur les zones tendues du marché immobilier. La loi ELAN
encourage aussi les offices HLM à vendre leur patrimoine pour se
financer. Cette privatisation rampante a conduit en Allemagne à une
explosion des loyers, notamment à Berlin.
Il
faut aussi souligner que la réserve foncière des hôpitaux de la
ville de Créteil est petit à petit grignotée par les appétits
financiers des promoteurs immobiliers. Par exemple, en l’absence de
financement public suffisant, l’hôpital Mondor a vendu une parcelle
de terrain pour près de 50 millions d’euros en face de la future
gare de la ligne 15. Le
site de l’hôpital Chenevier occupe aussi une surface de 123 000
m² en cœur de ville et le manque de moyen touche aussi cet hôpital,
obligé de céder des parcelles de ses terrains. On le voit bien à
Limeil-Brévannes, le projet de suppression de 150 lits de soins de
longue durée s’accompagne aussi d’un projet de cession de terrain de
l’hôpital.
Dans
ce contexte, la loi ELAN
publiée
au Journal officiel du 24 novembre 2018
permet
de mettre en place un
encadrement des
loyers, outil de lutte contre la spéculation immobilière. Paris a
remis en place un encadrement des loyers dès le 1er juillet 2019.
Plusieurs villes du Val-de-Marne se sont engagées dans la démarche.
Malheureusement, alors que le groupe communiste de la ville de
Créteil en a fait la demande cette année, la Mairie ne semble pas
avoir la volonté de prendre des mesures concrètes pour lutter
contre la spéculation immobilière. Il y aurait même une crainte de
faire fuir les investisseurs immobiliers ! Sans doute, ceux-là
mêmes qui souhaitent construire des grattes-ciels à Créteil !
D’ailleurs, la brochure Investir
et entreprendre à Créteil
éditée par la
Mairie de Créteil, disponible en ligne, vante les « surfaces
attractives et disponibles »
de la ville.
Or,
la spéculation immobilière engendrée par le Grand Paris dépossède
les habitantes et habitants du droit à la ville, du pouvoir de
décision en matière d’urbanisme. David Harvey, géographe
britannique, note, avec pertinence selon nous, dans un ouvrage de
2010 : « Il est impératif de travailler à la
démocratisation du droit à la ville et à la construction d’un
large mouvement social pour que les dépossédés puissent reprendre
le contrôle de cette ville dont ils sont exclus depuis si longtemps,
et pour que puissent s’instituer de nouveaux modes de contrôle des
surplus de capital qui façonnent les processus d’urbanisation. Henri
Lefebvre avait raison de souligner que la révolution serait urbaine,
au sens large du terme, ou ne serait pas. »
Face à cette
situation qui remet en cause l’identité populaire de Créteil, il
faut une volonté politique forte, s’appuyant sur le soutien
populaire et la mobilisation des citoyennes et citoyens pour
défendre notre ville contre les intérêts spéculatifs. Il est
grand temps de mener le combat en s’appuyant sur une démocratie
locale rénovée.
Il
faut en premier lieu faire la demande auprès de la Préfecture pour
mettre en place l’encadrement des loyers prévu par la loi ELAN. Plus
globalement, nous sommes pour un encadrement des loyers à la baisse,
comme
le demande l’association Droit au logement (DAL). Nous proposons de
le faire autour du loyer médian dans les zones normales et en
imposant une décote de 20 % au loyer médian dans les zones très
tendues. Cet encadrement devra être contrôlé par la puissance
publique avant la mise en location. Il faut également plafonner les
loyers
dans
le secteur HLM pour ne pas dépasser 20 % du revenu des ménages.
Dans chaque opération neuve, il faut un plancher de 40 % de
logements sociaux. Il est nécessaire de généraliser les mesures du
type clauses anti-spéculatives
et
les chartes promoteurs, expérimentées par certaines communes
(Montreuil, Bagneux, Ivry, Fontenay-sous-Bois,), qui permettent
d’encadrer les prix à la vente.
Nous appelons à la constitution d’un comité de vigilance citoyen
pour combattre les projets immobiliers spéculatifs sur Créteil,
notre ville n’est pas à vendre !